Rufus Festus Avienus

(primum Achaiae, deinde Africae proconsul, et poeta, IV s.)

Ora maritima

[ Francogallica conversio / traduction française ]

[ Commentarium / commentaire ]

 

Haec propter undas atque salsa sunt freta,

at quicquid agri cedit alto a gurgite,

Ceretes omne et Ausoceretes prius

habuere duri, nunc pari sub nomine

gens est Hiberum. Sordus inde denique

ac pertinentes usque ad interius mare

qua piniferae stant Pyrenae vertices

inter ferarum lustra ducebant diem

et arva late et gurgitem ponti premunt.

in Sordiceni caespitis confinio

quondam Pyrene civitas ditis laris

stetisse fertur hicque Massiliae incolae

negotiorum saepe versabant vices.

sed in Pyrenen ab columnis Herculis

Atlanticoque gurgite et confinio

Zephyridis orae cursus est celeri rati

septem dierum. post Pyrenaeum iugum

iacent harenae litoris Cynetici,

easque late sulcat amnis Rhoscynus.

hoc Sordicenae, ut diximus, glaebae solum est.

stagnum hic palusque quippe diffuse patet,

et incolae istam Sordicem cognominant.

praeterque vasti gurgitis crepulas aquas

(nam propter amplum marginis laxae ambitum

ventis tumescit saepe percellentibus)

stagno hoc ab ipso Sordus amnis effluit.

 

Francogallica conversio / traduction française :

Il y a là des étangs salés, à cause des flots et des dépôts de sel ;

tout le territoire qui s'écarte des profondeurs du large,

à l'origine, était occupé par les rudes "Ceretes" et "Aucoceretes" ;

mais de nos jours, confondus sous un même nom,

c'est un peuple d'Ibères. Et pour finir, c'est à partir de là que les "Sordes",

établis jusqu'au littoral de la Méditerranée,

vivaient au milieu des tanières des bêtes sauvages,

là où se dressent les cimes couvertes de pins des Pyrénées

qui s'étalent largement sur les terres labourables et les profondeurs de la mer.

Aux confins de la verte contrée des Sordes,

la cité de Pyrène aux riches demeures autrefois

s'élevait, dit-on, et les habitants de Marseille

y revenaient souvent faire du commerce.

Jusqu'à Pyrène, quand on vient des colonnes d'Hercule,

des profondeurs de l'Atlantique et des confins

du pays du Zéphyr, la course d'un navire rapide

est de sept jours. Après la chaîne pyrénéenne

s'étendent les sables du rivage cynétique (?),

creusés sur une large étendue par le fleuve Roscinus.

C'est là, comme nous l'avons dit, la terre des Sordes.

On y voit un étang et de ce fait un marais aux berges incertaines,

et les gens du pays l'appellent "la Sordice".

Et par-delà les eaux bruissantes de ce vaste trou d'eau

(car à cause de la grande superficie de cet étang aux larges bords,

les vents, qui sont souvent violents, le rendent agité),

de ce même étang s'écoule le fleuve "Sordus".

(Conversio O.Rimbault)

Commentarium / commentaire :

Cum Rossilionensia stagna ab Avieno bene descripta sint, nescimus tamen cuius mentionem faciat postremus versus id est qui sit ille "Sordus amnis" "stagno ab ipso" effluens (Agli ? Font Estramar ?). Nec clarius intellegitur hoc adiectivum "Cyneticum", litus nostrum arenosum designans (fuitne confusio cum Cynetibus, meridionalis Lusitaniae populo ? An illud sit antiquum loci nomen quod recognosci possit in hodierno Caneti urbis nomine et referat ad quemdam Ligurum populum ?). Nihilominus unum clarum est : secundum Avienum, inter Ceretaniam i.e. summos montes et mare internum, non alii populo occurrebatur ac "Sordo" vel "Sordorum" qui, illo tempore, nomen suum scilicet multis rebus (stagno, amni, cet.) dedit. Cum autem "Ceretes" in bene cognita "Ceretania" (hodie "Cerdagne") vitam agebant, tum aenigmatici "Aucoceretes" sive "Ausoceretes" fortasse in regione antiquae "Ausonae" (hodie "Vich" in Hispania, prope Geronam) reperiendi sunt. Sed haec sententia "nunc pari sub nomine gens est Hiberum" confirmata est saxis Iberice scriptis et in Ceretania nuper inventis : illi prisci populi III° aut II° saeculo ante C.n. Iberi facti sunt.

Valet illum Avieni textum cum Pomponii Mela (I s.p.C.n.) et C.Plinii Secundi (I s.) conferri.

Bien que les étangs roussillonnais soient bien décrits par Avienus, nous ne savons pourtant pas à quoi fait allusion le dernier vers, autre-ment dit ce qu'est cette rivière Sordus, qui s'écoule "de ce même étang" (L'Agly ? Font Estramar ?). L'adjectif "Cyneticum" , qui désigne notre rivage sableux n'est pas plus clair (est-ce une confusion avec les Cynètes, un peuple du sud de la Lusitanie ? Ou serait-ce un toponyme antique qui pourrait être reconnu dans le nom actuel de la ville de Canet et qui renvoie à un peuple ligure ?). Néanmoins une chose est claire : selon Avienus, entre la Cerdagne (Ceretania) c'est-à-dire les hautes vallées et la Méditerranée, il n'y avait pas d'autre peuple que celui des Sordes qui donnèrent en ce temps-là leur nom à beaucoup de choses (à l'étang, au cours d'eau, etc). Mais tandis que les Cérètes vivaient dans la Ceretania bien connue, il faut peut-être localiser les mystérieux Aucocérètes ou Ausocérètes dans la région de l'antique Ausone (aujourd'hui Vich en Espagne). L'expression "de nos jours, confondus sous un même nom" a été confirmée par des inscriptions en ibère que l'on a découvertes récemment sur des rochers en Cerdagne : ces peuples très anciens sont devenus ibères au IIIe ou au IIe siècle avant J.C.

Il est intéressant de comparer ce texte d'Avienus avec celui de Pomponius Mela (Ier s. ap.J.C.) et celui de Pline l'Ancien (Ier s.).

 

(Bibliographia : Le Pays Catalan, t.I, p.74, sous la direction de Jean Sagnes, de l'Université de Perpignan, avec J.Abelanet, E.Frenay, A.Marcet-Juncosa, P.Ponsich, 1983)