XIII. EUNTES IN LUDUM LITERARIUM

EN ALLANT AU COLLEGE

Euntes in ludum litterarium (in integro). – Sur le chemin du collège.

SYLVIUS,  IOANNES.

Sy.   Cur adeo curris, Ioannes?

Io.   Cur lepus, ut aiunt, pro canibus?

Sy.   Quid hoc proverbii est?

Io.   Quia nisi adfuero in tempore ante recitatum catalogum, actum est de pelle mea. (*)

Sy.   Hac quidem ex parte nihil est periculi. Modo praeterita est quinta. Inspice horologium, manus (**) nondum attigit punctum, quod horam ab hora aequis spatiis dirimit.

Io.   At ego vix habeo fidem horologiis: mentiuntur nonnunquam.

Sy.   At mihi fide, qui campanae vocem audivi.

Io.   Quid loquebatur?

Sy.   Horam esse quintam.

Io.   Sed est et aliud, unde magis etiam timeam. Reddenda est memoriter hesterna lectio, satis prolixa. Vereor ut possim (1).

Sy.   Commune periculum narras. Nam et ipse vix satis teneo.

Io.   Et nosti praeceptoris saevitiam. Omnis illi noxia capitalis est. Nec magis parcit nostris natibus, quam si corium esset bubulum.

Sy.   Verum is non aderit in ludo. Quem igitur vicarium constituit?

Io.   Cornelium.

Sy.   Strabum illum? Vae nostris natibus. Is vel Orbilio plagosior (***) est.

Io.   Verum dicis; et ideo non raro sum illius brachio precatus paralysin.

Sy.   Non est pium, imprecari praeceptori. Nobis potius cavendum, ne incidamus in illius tyranni manus.

Io.   Reddamus inter nos vicissim, altero recitante, altero codicem inspiciente.

Sy.   Pulchre mones.

Io.   Fac praesenti sis animo. Nam metus officit memoriae.

Sy.   Facile deponerem pavorem, si non adesset periculum. At in tanto discrimine quis possit esse securus animo?

Io.   Fateor; attamen non agitur de capite, sed de parte diversa.  

NOTAE :

(*) Illa aetate scholastici verberabantur.

(**) Horologii acus ficta manu tento indice erat.

(***) "Plagosus" est cognomen ab Horatio datum Orbilio, grammatico suo (Ep.II, 1).

Sy.   Pourquoi cours-tu ainsi, Jean ?

Io.   Pourquoi le lièvre, comme on dit, court-il devant les chiens ?

Sy.   Que veut dire ce proverbe ?

Io.   Que, si je n'arrive pas à temps, avant la récitation de la liste, c'en est fait de moi (littéralement : de ma peau). (*)

Sy.   De ce côté-là, il n'y a vraiment rien à craindre. Il est cinq heures passées. Regarde l'horloge : l'aiguille n'a pas encore atteint le point qui sépare exactement l'heure de l'autre heure.

Io.   Moi, je n'ai pas grande confiance dans les horloges : elles mentent quelquefois.

Sy.   Aie confiance en moi qui ai entendu la voix de la cloche.

Io.   Que disait-elle ?

Sy.   Qu'il était cinq heures.

Io.   Mais j'ai autre chose qui me tracasse davantage. Il faut que je répète par cœur la leçon d'hier qui est assez longue. Je crains d'en être incapable. (1) "ut" = ne non (cf Gram. § 237).

Sy.   Cela, c'est le risque de tout le monde : c'est à peine si je la sais moi-même.

Io.   Et tu connais la sévérité du maître. Toute faute pour lui est capitale. Il n'épargne pas plus nos fesses que si c'était du cuir de bœuf.

Sy.   Mais il ne sera pas au collège. Qui donc a-t-il chargé de le remplacer ?

Io.   Corneille.

Sy.   Le loucheur ? Alors malheur à nos fesses ! Il est encore plus fouettard (***) qu'Orbilius, même.

Io.   Tu dis vrai ; aussi ai-je souvent prié pour que son bras se paralyse.

Sy.   C'est une chose impie que d'invoquer le mal sur son maître. Il nous faut plutôt prendre garde de tomber sous la main d'un tel tyran.

Io.   Récitons entre nous tour à tour, l'un récitant, l'autre suivant sur le livre.

Sy.   Tu donnes là un bon conseil.

Io.   Tâche d'être concentré ; car la crainte nuit à la mémoire.

Sy.   Je laisserais facilement toute crainte de côté, s'il n'y avait pas de danger ; mais dans une si grande incertitude, qui pourrait avoir l'esprit tranquille ?

Io.   Je l'avoue ; cependant, ce n'est pas notre tête qui est en jeu, mais la partie opposée.

NOTES :

(*) En ce temps-là les élèves étaient frappés.

(**) L'aiguille de l'horloge était figurée par une main à l'index tendu.

(***) "Plagosus" est le surnom donné par Horace à Orbilius, son maître ("grammaticus") (Ep.II,1).

Alia (in integro). En classe.

CORNELIUS,  ANDREAS.

Co.   Scite tu quidem pingis, sed charta tua perfluit. Charta subhumida est, ac transmittit atramentum.

An.   Quaeso, ut appares mihi pennam hanc.

Co.   Deest mihi gladiolus scriptorius.

An.   En tibi.

Co.   Hui, quam obtusus!

An.   Accipe coticulam.

Co.   Utrum amas scribere cuspide duriuscula, an molliore?

An.   Attempera ad manum tuam.

Co.   Ego molliore soleo.

An.   Quaeso, ut mihi describas ordine figuras elementorum.

Co.   Graecas an Latinas?

An.   Latinas primum conabor imitari.

Co.   Suppedita chartam.

An.   Accipe.

Co.   Sed meum atramentum dilutius est, subinde infusa aqua.

An.   At meum linteolum prorsus exaruit.

Co.   Imminge; nisi mavis immeiere.

An.   Immo potius rogabo alicunde.

Co.   Praestat habere domi, quam rogare commodato.

An.   Quid est scholasticus absque calamo et atramento?

Co.   Quod miles absque clypeo et gladio.

An.   Utinam mihi essent articuli tam celeres. Equidem non possum dictantis vocem scribendo assequi.

Co.   Prima cura sit, ut bene scribas: proxima, ut celeriter. Sat cito, si sat bene.

An.   Belle: sed istam cantionem cane praeceptori, cum dictat, Sat cito, si sat bene. 

Co.   Tu sais vraiment bien dessiner, mais ton papier boit. Il est un peu humide et laisse l'encre se diffuser.

An.   Aie l'obligeance de m'apprêter cette plume.

Co.   Je n'ai pas de canif.

An.   En voici un.

Co.   Oh, comme il coupe mal !

An.   Prends cette petite pierre à aiguiser.

Co.   Que préfères-tu, écrire d'une pointe un peu dure ou d'une pointe plutôt molle ?

An.   Taille comme pour toi.

Co.   Moi j'ai l'habitude de me servir d'une (pointe) plutôt molle.

An.   Je te prie de me copier par ordre les lettres de l'alphabet.

Co.   Grecques ou latines ?

An.   Je m'appliquerai d'abord à reproduire l'alphabet latin.

Co.   Donne-moi du papier.

An.   En voici.

Co.   Mais on a mis trop d'eau dans mon encre.

An.   Mais mon chiffon s'est complètement desséché.

Co.   Fais pipi dessus ; à moins que tu ne préfères pisser copieusement dessus.

An.   Je vais plutôt en demander ailleurs.

Co.   Il vaut mieux posséder qu'emprunter.

An.   Qu'est-ce qu'un écolier sans plume et sans encre ?

Co.   Ce qu'est un soldat sans bouclier et sans glaive.

An.   Ah ! si j'avais les doigts aussi rapides ! Je n'arrive vraiment pas à suivre en écrivant la voix du maître qui nous fait la dictée.

Co.   Ton premier souci doit être d'abord de bien écrire ; et le second d'écrire vite. On est assez rapide , si c'est assez bien.

An.   Parfait ! Mais, quand il dicte, chante cette chanson au maître : " On est assez rapide si c'est assez bien".